Daniele Mastrogiacomo revient en Italie sur fond de controverse

Publié le par Charlotte

Le journaliste italien a donc bien été relâché par ses ravisseurs talibans, mais à quel prix!

 

Le journaliste italien Daniele Mastrogiacomo, relâché par ses ravisseurs taliban, a regagné l'Italie mardi après avoir été confronté en Afghanistan à une manifestation de parents et d'amis de son chauffeur, Syed Agha, qui a été décapité par les taliban.

Le reporter de La Repubblica est arrivé à Rome peu après 23h00 (22h00 GMT) à bord d'un avion du gouvernement italien. Il paraissait fatigué mais en bonne santé. A sa descente d'avion, il a levé les bras en signe de victoire et il est allé saluer sa famille, ses collègues et le président du Conseil Romano Prodi.

Mais à la demande du magistrat italien chargé de l'enquête, il s'est abstenu de toute déclaration à la presse.

Après avoir été libéré lundi par ses ravisseurs, au terme d'une captivité de deux semaines, Mastrogiacomo a été acheminé mardi après-midi de Lashkar Gah, dans le sud de l'Afghanistan, à l'aéroport de Kaboul.

A Lashkar Gah, plus de 200 parents et amis de Syed Agha ont fait mardi le siège de l'hôpital d'Emergency où Mastrogiacomo avait passé la nuit pour exiger des précisions sur les conditions de la mort du chauffeur.

L'interprète de Mastrogiacomo, Ajmal Nakshbandi, est toujours aux mains de ses ravisseurs.

Le journaliste, d'abord accusé par les taliban d'être un espion à la solde des Britanniques, a raconté dans son journal comment il avait été contraint d'assister au meurtre de son chauffeur.

"Quatre jeunes gens saisissent le chauffeur et lui mettent le visage dans le sable. Ils lui tranchent la gorge et continuent jusqu'à séparer la tête du corps."

"En reconnaissance de l'amitié avec l'Italie"

"Il n'a pu dire un seul mot. Ils nettoient le couteau sur sa tunique et attachent la tête coupée au corps, puis l'emportent à la rivière et l'y jettent."

Les taliban ont déclaré qu'Agha avait été reconnu coupable d'espionnage par un tribunal taliban et qu'il avait été tué jeudi.

Mastrogiacomo, Agha et l'interprète ont été enlevés le 5 mars dans la province d'Helmand, au moment même où l'Isaf (Force internationale d'assistance à la sécurité) lançait une grande offensive contre les taliban et les trafiquants de drogue.

La principale association afghane de défense des journalistes a lancé un appel pour la libération de l'interprète.

Dans son article, Mastrogiacomo, qui est né au Pakistan, explique qu'il est allé dans la province d'Helmand - que la plupart des journalistes étrangers jugent trop dangereuse pour s'y rendre - afin d'interviewer un responsable taliban mais qu'il a été enlevé en chemin par des hommes armés.

Les taliban ont dit qu'ils l'avaient relâché après la libération par le gouvernement afghan de quatre dirigeants de l'insurrection, parmi lesquels un frère du mollah Dadullah, l'un des chefs taliban.

Un porte-parole du président Hamid Karzaï a confirmé qu'il y avait eu une transaction, mais il s'est refusé à toute précision.

"Le président (...) a donné pour instruction aux responsables de la sécurité de trouver tout moyen possible d'obtenir la libération du journaliste italien en reconnaissance de l'amitié avec l'Italie et de la coopération de cette dernière avec l'Afghanistan", a-t-il dit à la presse. "Une série de revendications ont été formulées et il y a été répondu dans une certaine mesure".

Interrogations sue le prix payé

En Italie, où le gouvernement de centre-gauche de Romano Prodi est soumis à des pressions de certains de ses alliés qui réclament le retrait de 1.900 soldats italiens déployés en Afghanistan dans le cadre de l'Isaf, on s'interroge sur le prix payé pour obtenir la libération du journaliste.

"Le gouvernement a trahi", titre mardi le quotidien italien de droit Libero, tandis que La Stampa soulignait l'hypocrisie des autorités italiennes, alors que les militaires italiens présents en Afghanistan sont censés aider l'Otan à sécuriser le pays face précisément à ces mêmes taliban.

"Si c'est le juste prix qu'on a choisi de payer pour sauver la vie de Mastrogiacomo, il revient (au gouvernement) de montrer que l'Italie est encore capable de remplir son rôle en Afghanistan sans devenir le maillon faible de l'alliance internationale", poursuit le journal.

"Ce qui c'est passé, c'est que les négociations pour obtenir la libération de l'Italien ont eu comme prix la libération de terroristes. C'est sans précédent", s'est indigné le sénateur de droite Alfredo Mantovano, en invitant Prodi à venir rendre compte de cette affaire au parlement.

Au moment des manifestations devant l'hôpital de Lashkar Gah, le directeur de l'établissement, Rahamatullah Hanafi, a été arrêté par les forces de sécurité sans que l'on sache pourquoi.

L'hôpital d'Emergency à Lashkar Gah avait déjà été impliqué à la fin de l'an dernier dans les négociations pour la libération d'un autre journaliste italien, Gabriele Torsello.

 

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